À gauche, voici Saturne de Francisco de Goya. À droite, une image de la Trinité telle qu’on la trouve dans les églises des campagnes françaises. Celle-ci, du XVIe siècle, provient de la chapelle du Croisty (Finistère). Le tableau noir de Goya apparaît tout à coup comme une infernale inversion du trio chrétien. Une histoire de pères et de fils. Dans les dégoulinades de sang et d’horreur, le vieux père abusif et incestueux de la fable grecque tient l’enfant qu’il a engendré tourné vers lui en l’ingurgitant afin de tenter de faire rentrer l’écoulement du temps en lui-même, en un cycle sans fin et maudit de souffrance. La sculpture naïve de la Trinité porte pourtant la plus haute figure de la religion chrétienne. À l’inverse de Cronos le dévorateur, ce père-là tient son fils tourné vers l’extérieur afin de le projeter de son souffle sur l’univers créé de ses mains, dans un mouvement d’engendrement infini. Il est vrai qu’à la fin Cronos recrache ses enfants. Et qu’advient peut-être le Jugement dernier.
Aller à :
-
Editoriaux inactuels
- La guerre perpétuelle – premier épisode : encore un souvenir d’enfance
- L’enfant et la mer – épisode 9 « Souvenons-nous du début et de la fin »
- L’enfant et la mer – épisode 8 « La navigation de saint Brendan »
- Retour aux confettis de l’empire : la saga de Samori
- L’enfant et la mer – épisode 7 « Souvenons-nous des flottilles de sac et de corde »