Après hésitation et même combinaison entre la palpation, l’audition, l’odorat et peut-être d’autres possibilités, c’est la sensibilité à la lumière qui l’a emporté, suivant plusieurs tentatives ou formules de façonnage organique, en trou d’épingle comme chez le nautile et fonctionnant à la manière d’un sténopé, à facettes comme chez les insectes, ou bien à lentille chez les vertébrés, cette dernière solution présentant comme les autres des variantes en nombre, position et capacités – telle la vision nocturne –, chez l’homme d’un volume de six centimètres cube et demi, d’un poids de sept grammes pour un diamètre de vingt-quatre millimètres, sphère molle pivotant dans sa cavité, l’œil est un remarquable instrument d’optique auquel le cristallin sert de lentille qui focalise l’image visuelle sur la rétine dont la couche sensible est constituée des cellules réceptives dites « bâtonnets », au nombre de six millions et demi environ, et « cônes », au nombre de cent trente millions environ, lesquels bâtonnets et cônes portent les molécules réceptrices, pour les premiers la rhodopsine engagée dans la reconnaissance des formes, même entre chien et loup, et pour les cônes les trois opsines engagées quant à elles dans la reconnaissance des couleurs et des détails en pleine lumière, la rétine pouvant être comprise comme une extension du cerveau issue des deux vésicules optiques qui se forment lors de la troisième semaine embryonnaire par évagination du tube neural auquel elles restent liées par un pédoncule, s’invaginant par la suite sur elles-mêmes et se constituant en une dizaine de couches dont le plexiforme externe à partir duquel les terminaisons des dits cônes et bâtonnets entrent en relation, via les synapses, avec les dendrites des cellules de la couche intérieure pour informer l’encéphale, via le million et demi d’axones qui compose le nerf optique, d’une part suivant la « voie dorsale » afin d’organiser la scène visuelle dans l’espace, soit en mouvements, formes, relation figure-fond, et d’autre part suivant la « voie ventrale » qui autorise la reconnaissance des objets, des visages, des couleurs, par où le réel se trouve ainsi reconstitué ou plus ou moins inventé :
― Mais l’œil est, je pense, de tous les organes des sens, celui qui ressemble le plus au soleil.
Un œil. Et même deux. Posséder un tel appareil de précision offre toutes sortes d’avantages dans de nombreuses situations, repérer une proie ou bien un prédateur et aussi s’émerveiller. Et comme disait ce plaisantin de Georges Bataille, il peut arriver qu’ils finissent en friandise cannibale ! Alors que nous n’avons qu’eux pour pleurer.