Les techniques du corps

Comme ces vieillardes que l’on baigne dans les maisons spécialisées, l’éponge ruisselant d’eau tiède sur leur peau ramollie, toilettées, coiffées face au miroir encadré de lampes qui les auréolent d’une chaude lumière, les aiguilles d’un vieux réveil montant lentement jusqu’à l’heure et retombant d’un coup vers la demi-heure, leurs corps affaissés de travers dans le peignoir immaculé, leurs grands yeux perdus se reflétant sur la surface polie en demandant :
— Qui c’est ?
environnées de voix faussement enjouées, professionnelles, et de mains qui agitent la serviette et le séchoir dont le souffle chaud fait voler leurs maigres mèches blanches, et elles s’enfonçant toujours plus loin, ailleurs, entamant pas à pas le grand voyage, s’élevant doucement dans le ciel au-dessus de la ville, tandis que l’on vernit leurs ongles au bout de leurs doigts osseux et tremblants, que l’on poudre de blanc rehaussé de rose leurs joues tombantes, et que l’on étale un peu de rouge sur leurs lèvres déjà disparues.

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