C’est un énorme livre, debout, haut comme un homme, à la couverture gris cendre, aux pages rouges, aux caractères noirs : qui peut dire qu’il lit juste ? Mieux vaut ne pas avoir à le consulter. Le tenir fermé par un gros cadenas. Suspendu par une chaîne. C’est un livre vivant qui exige d’être dompté. Chacun crie pour être lu d’une façon ou d’une autre. On peut le battre comme autrefois les chevaux récalcitrants qui s’écroulaient dans la rue sous les coups. Cela peut durer des heures. Pâte verbale contre pâte mentale. Comme avec un ange. On en sort en sueur :
Sa main sanglante dans ma bouche
mit le dard d’un serpent prudent.
Un long fleuve de boue. On le jetterait au feu s’il y avait encore du feu. Voir fondre sa lourde couverture de plomb. S’élever en fumée jaune. Et le texte s’évaporer…