Souvenons-nous du début et de la fin. Il y a toujours un nœud au fond du Wannsee. La mer est un serpent d’écume qui se mord la queue. Elle allume ses globes d’argent gris. Des nœuds, il y en a aussi aux nuages qui ont des ailes et puis des cornes. Un saurien s’y faufile, sa queue traîne jusqu’à l’horizon. C’est un dragon rouge. À sept têtes. Qui lance du feu par les naseaux. Vénus s’avance dans l’écume sanglante. Au long de nos rêveries linéaires, c’est la neige qui nous calme. La neige. Le ciel. Le val sans retour. Le brouillard, les nuages, la pluie. Les forêts de pins. Les ruisseaux. Les cimetières. Les fontaines aux mousses acides. Les vapeurs humides. Le soleil égaré. Gouttes d’eau. Arc-en-ciel. Tout commence. Rien dehors. Rien dedans. Tout s’achève. Inspiration. Expiration. Allumé. Éteint. Se soulève. S’abaisse. Pierre dure, granit, vasière fangeuse. Comme l’herbe la chair pousse. Une éponge. Un rameau. Des feuilles. Des bourgeons. Le ciel se voit dans l’eau. Un œil intérieur qui bout. Brûlure. Le lait de pourpre déborde. La faim. La faim. La faim. Toujours la faim. Feux croisés. Continents qui s’éloignent. Se rapprochent. Terre. Mer. Océans pleins de tempêtes, de vagues vertes et d’écume blanche. Fosses sous les pieds, vents sur les têtes, quelle arche jamais vous reliera ? Meutes rouges à l’assaut des berges. Serpents. Grondements. Coups frappés. Pulsations du pouls. Battements d’ailes. Vieux oiseaux aux larges plumes tachetées d’ocre, vos becs lourds ouvrent les huîtres en les fracassant contre les rochers. Une comète ensanglante le ciel et retombe dans le bleu. Ou le vert. Un cri. Le soleil aussi frappe. Le vent dans les pins. Un voile se lève. Toute la lumière. Oui. Non. Ténèbres. Murmure. Mystère de la transparence. Une pluie d’électrons sur l’écran. La faute aux photons. Que vienne le grand rinçage dans notre verre à dent ! Le jour où la branloire pérenne rendra son dernier couac, notre poème surnagera-t-il dans le souvenir des lourds volumes encyclopédiques, des dictionnaires à portée de la main, désormais enfouis au fond de la guenizah générale. En exil chez les classiques et bien obligés de tenir la plume d’une main, la charrue de l’autre, levons vite nos verres à tous les Nobel oubliés ! Il est temps ! Ah ! Virgile ! Quelle tempête au goût de noyade dans un verre d’eau vide ! « Thalassa ! thalassa ! » À la pointe de Kermorvan écoutons les bouées glouglouter avec des sons de cloches sous-marines et les vieillards murmurer dans la houle, tournons en cercle autour de la pierre dressée vers le ciel. Steingrau. La Bohême aussi gît près de l’eau. On y construit encore des petits châteaux. Une prière. Une ritournelle. Laissons-nous glisser sur la ligne de flottaison entre le « je », le « tu » et le « il » pour traire la musique de nos doigts sourds. Et, redevenus poissons, l’entrecuisse musculeuse chargée d’écailles brillantes, chantons la mer, jusqu’après nous le déluge, rien que la mer.
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