Regardant sur Internet le court-métrage de Maurice Pialat, L’Amour existe, voici que surgit brutalement une publicité : « Je vous décris rapidement une situation vécue avec votre banque et… » TÉLÉCHARGEZ L’APPLICATION MA BANQUE. Quelques minutes plus tard, interrompant de nouveau le flux de noirs et de blancs emplis de mélancolie, jaillit à cheval une fille blonde sous la neige, dans un fracas appelé musique, proclamant 9 € 99 Pull cape coupé Découvrez toute la collection hiver sur GÉMO.FR. À voir le court-métrage ainsi violé par des guirlandes de publicités chatoyantes, tel un sapin de Noël dans une vitrine du boulevard Haussmann, je me dis que ce film est devenu invisible, que les conditions du regard sont mortes, qu’il a été absorbé par le trou noir des fausses images, qu’elles peuvent bien, ces vieilles images soigneusement prélevées à la banlieue de Paris puis montées dans un ordre certain, proférer tous les messages de protestation, elles ne sont plus rien contre le super-tyran qui n’en a même plus peur, des images, quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent. D’ailleurs, Maurice Pialat l’exprime dans son film : « De plus en plus la publicité prévaut contre la réalité. » Même contre la réalité de la mélancolie. Enfin bel et bien tuée. À moins que… à moins que se perçoive toujours dans le grain en noir et blanc d’un film tel que celui-là, l’écho de ce qui fut autrefois une vie intérieure ? Rien n’est moins sûr.
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