Triptyque de la consolation – Scène 17/62

Chaque quinzaine, un nouvel extrait de Triptyque de la consolation récemment paru :

Photo de Sartre harranguant les ouvriers de Renault à Billancourt, en 1970 par Ethel

Tous l’écoutent…

« Et, au milieu de quelques immeubles, des touffes de feuillage contre l’écran gris du ciel d’automne, l’auvent d’un café marqué Slavia ***, l’arrière bombé et lisse d’une DS 19 au-dessus duquel se lit une banderole LIBERTÉ POUR LE PEUPLE, ici un vieil ouvrier aux sourcils froncés, là d’autres plus jeunes, en groupe, certains les cheveux longs, en veste et chemise, attentifs, graves, tous l’écoutent puis l’applaudissent, lui, juché sur un bidon métallique bosselé, socle cylindrique sale, rebut de la production industrielle, tenant en main un micro dont le fil blanc dessine une courbe molle, vêtu d’une canadienne au col sombre dans laquelle il flotte, des journalistes en blouson ou veste de cuir se bousculant, formant une pâte vivante greffée de magnétophones, casques d’écouteurs, appareils photo, tendant à bout de bras ou bien à l’aide de perches d’autres micros vers son visage déjà âgé, ridé, fatigué, aux cheveux gris épars, les oreilles fortes, les lunettes voilant son strabisme, gargouille dont les lèvres s’ouvrent sur un trou noir. »

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