Alors que le journal aux feuilles craquantes, son odeur sèche de papier, parfois lourd d’encre grasse, s’enfonçait dans l’obsolescence, archaïque, ayant des décennies durant dessiné le contour des opinions citoyennes et nationales, ayant célébré chaque matin le devenir commun, dessiné un monde où vivre le jour qui s’ouvrait, parfois se refermant avec son coucher, alors que l’oubli de ces messieurs de la presse était largement consommé, que recevoir les honneurs de cette corporation constituait depuis longtemps une recherche de notoriété désuète, tu posais la question : frère, quelle est ta langue ? Je parle l’American Standard Code for Information Interchange, à l’ancienne, et toi ? Moi c’est l’Unicode. Mon bras s’étend de moins en moins fréquemment vers les dictionnaires rangés à ma portée, pour en utiliser de bien plus profonds et bien plus vastes, au bout d’un seul doigt. Dis-moi, avant d’accepter que ton texte se fasse encoder – pour ne pas dire plus – sous forme de 0 et de 1, tu auras formé chaque lettre dans le triangle de ta main, de ton œil et du reste. Tu auras dit adieu à l’amitié des livres et courant seul à travers les steppes de cette mémoire plus morte que vive, résiduelle et informée de l’histoire, tu comprendras enfin que la vocation est l’autre nom de l’attente.
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Editoriaux inactuels