Alors que la mémoire se trouve habituellement conçue comme première par rapport à l’histoire, Paul Ricœur émet dans La Mémoire, l’histoire, l’oubli, la curieuse hypothèse d’« une mémoire d’après l’histoire » : « Ne serait-ce pas alors, se demande-t-il, la tâche d’une mémoire instruite par l’histoire de préserver la trace de cette histoire spéculative multiséculaire et de l’intégrer à son univers symbolique ? Ce serait peut-être la plus haute destination de la mémoire, non plus avant, mais après l’histoire. » À travers cette simple remarque, Ricœur ouvre une vaste perspective et peut-être un gouffre sous nos pas. En renversant l’antériorité de la mémoire sur l’histoire, il appelle par conséquence un régime narratif inédit, c’est-à-dire un changement d’être au monde. Ce n’est pas une restauration de la mémoire que Ricœur laisse entrevoir, celle des mythes et légendes portés par l’imagination et l’oralité, mais bien l’avènement d’une nouvelle mémoire ayant digéré le texte de l’histoire. Pour quelles formes de récit inédites ? Ce texte de l’histoire autrefois porté par l’imprimerie aux quatre coins du globe se voit englouti ainsi que son archive au sein du réseau global, lequel est en train de façonner, lui, une mémoire nouvelle, un texte nouveau, un être nouveau qui a déjà quitté la terre.
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