J’aimerais bien moi aussi faire un saut hors du cercle des assassins. Ou bien, cherchant à tâtons la perceuse qui forera un joli trou de silence dans tout ce bruit, la hache qui fendra cette mer gelée qui est en nous, tel l’Inuit penché sur l’orifice d’ombre au-dessus de sa banquise, son fil à la main, fredonnant sa chanson de guetteur. Ou bien ce roi pêcheur au bord de son canal souillé d’ordures industrielles et ménagères. Courbé sur le puits sans fond, le poète à travers les âges remonte cran après cran jusqu’à la source de feu tous ces mots détrempés, gluants, boueux, les met à sécher dans le pâle soleil avant qu’il ne s’engloutisse tout-à-fait. Il se demande comment les allumer une dernière fois, le crâne bourré d’antiques dates, ne se souvenant de sa propre langue qu’un juron imagé, kaoc’h ki gwenn ha kaoc’h ki du, les sortant un à un des volumes dépareillés, tachés, déchirés, enfouis dans la guenizah générale, les jetant sur la table d’autopsie divinatoire où ils tombent en se fracassant, avant de les assembler dans un certain ordre et même un ordre certain. C’est oracle ce qu’il dit. Pour le jour où la branloire pérenne aura rendu son dernier couac. Tu étais le plus commun des mortels et te voici feu de paille qui brille dans la nuit. As-tu entendu le clair galop des anges s’engouffrer dans le ciel ? Va plus loin dit la voix. Va plus loin. Jette l’ancre. Arrête-toi. N’aies pas peur. Avance. Tu es le plus commun des mortels désormais feu de paille brillant dans la nuit.
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