Paradis

À l’arrêt d’autobus, engoncé dans mon imperméable bien étanche, couvert de mon parapluie tenu d’une main et qui s’avance en auvent de temple japonais, face à l’un de ces jardins de gravier hérissés de rochers escarpés d’où s’échappent quelques arbustes tordus et plantes effilées, les yeux tantôt flottant sur l’asphalte mouillé, miroitant d’éclats orange, mauves et verts, à l’image du fond du ciel rapportée par les télescopes spatiaux, les yeux tantôt plongés dans La Comédie de Dante, lisant quelques vers, Ieu sui Arnaut, que plor e vau cantan ou trasumanar significar per verba non si poria, bien à l’abri et environné de toutes ces perles d’eau qui tombent dans un clapotement tendre, le choc mat des gouttes qui rebondissent sur la toile tendue, le clapotement parfois troué par les vrombissements des voitures ourlés d’un friselis aigu, surgis dans ce paysage sonore à l’instar de ces murs de sons électroniques qui envahissent d’un coup l’espace dans certaines œuvres de Karlheinz Stockhausen, tandis qu’un balayeur s’approche parmi ces bulles translucides, traînant son chariot vert d’une main, son balai vert de l’autre, en sifflant tin tin sonando con sì dolce nota sous la visière de sa casquette verte.

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