Il faut se dépêcher pour ressentir une dernière fois la sensation : contre une pièce de monnaie ou deux déplier le vaste rectangle de papier gris, tantôt mou et alourdi d’humidité, retombant dans un mouvement flasque de ses deux ailes d’oiseau mazouté, tantôt sec et craquant, tenant tout seul ses zigzags cassants dans l’air, rétif à tout feuilletage. Un moment. N’importe quel moment qui les vaut tous. Comparée à la beauté translucide et colorée des vitraux néo-modernes de nos écrans, la presse imprimée possède encore le charme de l’ancien néo-médiéval. Comme la peinture à fresque, elle a longtemps proposé elle aussi des « lettres pour les illettrés ». Un jour. N’importe quel jour que la Démocratie fait. Vendredi 26 octobre 2012 : « l’exécutif se trouve confronté aux accusations d’amateurisme, à la veille d’une trêve incertaine les combattants de l’Armée syrienne libre occupent des villes dévastées, Microsoft veut envahir les tablettes et les téléphones avec Windows 8, « De la révolution à la naissance d’un géant » la Chine s’éveilla, pour James Bond le marketing ne meurt jamais, des notables fuyaient le fisc à travers un réseau de blanchiment, un périple mortuaire dans ses rues donne à Ajaccio des allures de cimetière invisible. » Hora fugit. C’est la marche en avant régulière du temps de l’éphéméride qui tient ensemble ces événements. Une fiction. La prière d’un culte en train de s’effacer. Savourons un instant encore ce condensé d’imaginaire national déjà englouti dans plus grand que lui. Le journal était un roman abandonné de la providence. Il laisse encore un peu d’encre sur les doigts.
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Editoriaux inactuels