Le fruit du temps

La musique s’étant maintenant éteinte, le disque d’un noir brillant, aux doux reflets presque veloutés, n’en finissait plus de tourner, les taches triangulaires de lumière, aigües, ondulant sur le vinyle, alors qu’après avoir parcouru de sa pointe de microquartzite chaque sillon, la tête de lecture à l’extrémité du bras métallique venait buter sans fin sur la bordure centrale, la rondelle de papier, entraînée dans un mouvement circulaire ininterrompu par la platine qui continuait sa ronde, reprenant sans cesse la même course lente, le diamant s’enfonçant, tentant obstinément de franchir l’obstacle au même point, dans un léger craquement de l’aiguille qui dérapait sur le plastique, suivi d’un court frottement, le craquement et le frottement amplifiés par l’électrophone en une micro-séquence sonore inlassablement répétée, résonnant dans l’air, emplissant la chambre bien qu’imperceptiblement étouffée par l’amas de poussière brune, une petite pelote de feutre qui se formait sous elle dans la rotation des trente-trois tours par minute devenue infinie.

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